Saturday, October 11, 2008

Ernest Lami

Les écouteurs de la H.H.3.W. ont applaudi, hier soir, le pianiste Ernest Lamy, dans un récital dédié au Président Vincent.

Ernest Lamy! Ce nom, de temps en temps, est imprimé dans nos journaux. Je connais personnellement les Lamy de Port-au-Prince qui sont tous gens aimables. J’ai connu l’ancien Juge Félix Lamy, de regretté mémoire, homme affable et doux et j’ai eu l’honneur d’être présenté il y a quelques temps à son épouse une personne très distinguée, musicienne par surcroît. Il ne me souvient pourtant pas d’avoir rencontrée nulle part ce tout jeune homme à l’air innocent, aux manières respectueuses, fils justement des époux Félix Lamy, et qu’on a conduit à moi, ce matin, pour être le pianiste qui a joué à la H.H.3.W, hier soir.

J’ai souvent regretté la sécheresse de mes chroniques; mais, jamais il ne m’est arrivé d’aussi éprouver le remords qui m’étreint à cette minute de ne pas présenter avec le lyrisme qui convient, ce garçon grand et maigre, rappelant étrangement le portrait qu’a fait Anatole France d’un poète errant, Albert Glatigny.

Ernest Lamy est âgé de 16 ans à peine. Voilà un jeune authentique qui ne ressemble nullement à ses semblables, les moins de 40 qui, dans leur vanité littéraire, se font saluer de jeunes par les amis afin d’atténuer leur insuffisance et leur “méchanceté” d’écrivains.

Lamy est réellement jeune, et parce qu’il est jeune, il a droit, je crois à toutes les indulgences. On passera sous silence les défauts d’une exécution non encore travaillée pour retenir le seul fait qui importe. Le programme n’était pas sans comporter des pièces difficiles quant à l’interprétation. Même on peut dire que la grande polonaise de Chopin, qu’il joua assez bien, est de la dernière difficulté.

Qu’à une époque où la jeunesse est si portée vers les jouissances faciles, Ernst Lamy ait délaissé les amusements de son âge pour s’adonner à l’étude patiente et élevée de l’art, il faut croire que ce garçon de 16 ans a déjà des besoins esthétiques et moraux auxquels on aurait tort de ne pas lui permettre de satisfaire un jour. Moi qui sens continuellement les douleurs persistantes de la vocation manquée, je fais le vœu qu’une bourse d’étude à l’étranger soit accordée à notre jeune compatriote.


Marcel Salnave
Haïti-Journal 14 novembre 1940

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